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L’EXPÉDITION DE ROME.

trois siècles, répand à flots la lumière et la pensée sur le monde civilisé ; vous avez, de l’autre, le cardinal Antonelli refusant au nom du gouvernement clérical. Choisissez !

Selon le choix que vous ferez, je n’hésite pas à le dire, l’opinion de la France se séparera de vous ou vous suivra. (Mouvement.) Quant à moi, je ne puis croire que votre choix soit douteux. Quelle que soit l’attitude du cabinet, quoi que dise le rapport de la commission, quoi que semblent penser quelques membres influents de la majorité, il est bon d’avoir présent à l’esprit que le Motu proprio a paru peu libéral au cabinet autrichien lui-même, et il faut craindre de se montrer plus satisfait que le prince de Schwartzenberg. (Longs éclats de rire.) Vous êtes ici, messieurs, pour résumer et traduire en actes et en lois le haut bon sens de la nation ; vous ne voudrez pas attacher un avenir mauvais à cette grave et obscure question d’Italie ; vous ne voudrez pas que l’expédition de Rome soit, pour le gouvernement actuel, ce que l’expédition d’Espagne a été pour la restauration. (Sensation.)

Ne l’oublions pas, de toutes les humiliations, celles que la France supporte le plus malaisément, ce sont celles qui lui arrivent à travers la gloire de notre armée. (Vive émotion.) Dans tous les cas, je conjure la majorité d’y réfléchir, c’est une occasion décisive pour elle et pour le pays, elle assumera par son vote une haute responsabilité politique.

J’entre plus avant dans la question, messieurs. Réconcilier Rome avec la papauté, faire rentrer, avec l’adhésion populaire, la papauté dans Rome, rendre cette grande âme à ce grand corps, ce doit être là désormais, dans l’état où les faits accomplis ont amené la question, l’œuvre de notre gouvernement, œuvre difficile, sans nul doute, à cause des irritations et des malentendus, mais possible, et utile à la paix du monde. Mais pour cela, il faut que la papauté, de son côté, nous aide et s’aide elle-même. Voilà trop longtemps déjà qu’elle s’isole de la marche de l’esprit humain et de tous les progrès du continent. Il faut qu’elle comprenne son peuple et son siècle…. (Explosion de murmures à droite. — Longue et violente interruption.)

M. Victor Hugo. — Vous murmurez ! vous m’interrompez….