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DEPUIS L’EXIL.
Au Panthéon

DISCOURS DE M. OUDET
au nom de la ville de besançon

La ville de Besançon, qui s’enorgueillit d’avoir été le berceau du grand citoyen que pleure aujourd’hui la France, avait sa place marquée dans ces obsèques. C’était pour elle un devoir, c’était un grand honneur de venir, au milieu de ce deuil national, dire un dernier adieu au plus illustre de ses enfants. Et j’ai accepté du conseil municipal, après bien des hésitations et avec le sentiment intime de mon insuffisance, la mission périlleuse de prendre ici la parole en son nom.

C’est à Besançon, le 7 ventôse an X de la République française (26 février 1802), que la femme du commandant Léopold Hugo, après une grossesse laborieuse, mit au monde cet enfant, faible et chétif, qui deviendra l’honneur de la France, la gloire des lettres, la grande personnification du siècle, et dont nous accompagnons aujourd’hui, à quatre-vingt-trois ans de date, la dépouille mortelle dans ce monument que la patrie reconnaissante vient, après bien des vicissitudes, de consacrer de nouveau à la sépulture et à la mémoire de ses grands hommes.

Victor Hugo lui-même, dans les Feuilles d’automne, a décrit, en vers d’une délicatesse inimitable, son apparition dans la vie ; mais, le moment n’étant point aux longs discours, je ne les citerai pas.

Quiconque, d’ailleurs, sait lire les a lus ; quiconque, a un cœur les a aimés, s’il m’est permis de paraphraser l’un de ses biographes. Mais à qui donc « cet enfant que la vie effaçait de son livre, et qui n’avait pas même un lendemain à vivre », dut-il de surmonter alors les dangers d’une aussi délicate constitution ? Il nous l’a dit lui-même : « aux soins d’une mère adorée ».

Dieu me garde d’en douter et de commettre un pareil sacrilège. Serait-il cependant téméraire de penser que, dans cette œuvre de dévouement et d’amour, la mère dut être puissamment secondée par l’influence bienfaisante de l’air si pur qui, dans nos montagnes, contribue à créer ces natures solides dans lesquelles se trouvent des caractères si fortement trempés ?

Serait-il téméraire de croire que, nous quittant plusieurs mois après sa naissance et déjà inscrit comme enfant de troupe, doué dès lors de cette admirable constitution qui le conserva à sa patrie