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DEPUIS L’EXIL.

son roc, au milieu de l’océan, impassible et inflexible, attendant que l’heure de la justice et de la réparation vint.

Ce roc, comme celui de Sainte-Hélène, il était chaque jour battu par le flot monotone, attristé par le mugissement de la vague tempétueuse ; mais tandis que, de là où vécut ses derniers jours et mourut un tyran, ne vinrent que des souvenirs sinistres d’iniquité, de sang partout répandu, l’écho de rancunes furieuses et d’impuissantes colères, — de Hauteville-House partaient, pour courir à travers le monde, de nobles appels à la révolte contre l’oppression, de hautes leçons de sagesse, des paroles d’espérance, avec les plus nobles conseils, les plus généreux exemples !

Nous en retrouvons le reflet et l’écho dans le discours superbe que, sur la tombe d’un autre grand homme dont le nom est lié au sien et par le malheur et par la grandeur du génie, Edgar Quinet, Hugo prononçait il y a quelques années.

Pour faire dignement l’oraison funèbre de Hugo il eût fallu Hugo lui-même. C’est lui, qui en célébrant la gloire d’un de ses pairs, nous dira quelle fut sa propre gloire.

« Il ne suffit pas, disait-il en 1876 au cimetière Montparnasse, de faire une œuvre, il faut en faire la preuve. L’œuvre est faite par l’écrivain, la preuve est faite par l’homme. La preuve d’une œuvre, c’est la souffrance acceptée. »

Comme il l’acceptait, lui ! Comme il s’offrait à elle en holocauste avec ardeur, et comme il la faisait accepter à tous qui, en le voyant invincible, invulnérable presque à la douleur, ne songeaient plus à se plaindre, oubliant même qu’ils souffraient !

Par sa sympathie, il les consolait. Par ses encouragements, il les élevait au dessus d’eux-mêmes.

Qui ne se fut senti fier et presque heureux d’être proscrit quand, des hauteurs d’où il planait, il laissait tomber ces paroles que nous retrouvons plus tard encore sur ses lèvres devant la tombe glorieuse dont je parlais tout à l’heure : « Il y a de l’élection dans la proscription. Être proscrit, c’est être choisi par le crime pour représenter le droit. Le crime se connaît en vertus. Le proscrit est l’élu du maudit.

« Il semble que le maudit lui dise : sois mon contraire. »

Qui eût voulu sortir du bataillon ainsi sanctifié ? Qui aurait pu songer à être infidèle à l’infortune et à l’exil, quand, parlant des exilés, il disait dans un de ses vers immortels, gravé aujourd’hui dans toutes les mémoires, que, « s’il n’en restait qu’un, il serait celui-là. »

Pour les faibles, pour les découragés, il affirmait pourtant la victoire future et sûrement prochaine, avec la certitude, avec l’autorité du vates, du poëte prophète.

Elle vint, ô proscrits ! au milieu de quelles douleurs et de quels