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DEPUIS L’EXIL. — 1882.

sénateurs, les conseillers municipaux venaient ensuite au nombre de près de trois cents.

La voiture qui amenait Victor Hugo est signalée. Un mouvement prolongé se manifeste dans la foule.

Lorsque Victor Hugo descend et paraît sur les marches de l’Élysée-Montmartre, les cris de : Vive Victor Hugo ! vive la république ! retentissent de toutes parts. Le poëte, nu-tête, se retourne et salue la foule, qui fait entendre de nouveaux vivats.

Les commissaires reçoivent au haut de l’escalier Victor Hugo, très ému de l’ovation dont il vient d’être l’objet.

Victor Hugo s’assied entre le mécanicien Grisel à sa droite et M. Raynal, ministre du commerce, à sa gauche. M. Gambetta, président du Conseil, est en face d’eux.

Au dessert, Victor Hugo se lève (acclamations ) et prononce les paroles suivantes :

Il y a deux sortes de réunions publiques : les réunions politiques et les réunions sociales.

La réunion politique vit de la lutte, si utile au progrès ; la réunion sociale a pour base la paix, si nécessaire aux sociétés.

La paix, c’est ici le mot de tous. Cette réunion est une réunion sociale, c’est une fête.

Le héros de cette fête se nomme Grisel. C’est un ouvrier, c’est un mécanicien. Grisel a donné toute sa vie, — cette vie qui unit le bras laborieux au cerveau intelligent, — il l’a donnée au grand travail des chemins de fer. Un jour, il dirigeait un convoi. À un point de la route, il s’arrête. — Avancez ! ordonne le chef de train. — Il refuse. Ce refus c’était sa révocation, c’était la radiation de tous ses services, c’était l’effacement de sa vie entière. Il persiste. Au moment où ce refus définitif et absolu le perd, un pont sur lequel il n’a pas voulu précipiter le convoi s’écroule. Qu’a-t-il donc refusé ? Il a refusé une catastrophe.

Cet acte a été superbe. Cette protection donnée par l’humble et vaillant ouvrier, n’oubliant que lui-même, à