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BUG-JARGAL.
Les noirs s’arrêtèrent en cet endroit terrible. (p. 75)
Les noirs s’arrêtèrent en cet endroit terrible. (p. 75)

saint suivra avec les noirs de Léogane et du Trou. Si les griots et les griotes font le moindre bruit, j’en charge le bourreau de l’armée. Le lieutenant colonel Cloud distribuera les fusils anglais débarqués au cap Cabron, et conduira les sang-mêlés ci-devant libres par les sentiers de la Vista. On égorgera les prisonniers, s’il en reste ; on mâchera les balles ; on empoisonnera les flèches. Il faudra jeter trois tonnes d’arsenic dans la source où l’on puise l’eau du camp ; les coloniaux prendront cela pour du sucre, et boiront sans défiance. Les troupes du Limbé, du Dondon et de l’Acul marcheront après Cloud et Toussaint. Obstruez avec des rochers toutes les avenues de la savane ; carabinez tous les chemins ; incendiez les forêts. Rigaud, vous resterez près de nous. Candi, vous rassemblerez ma garde autour de moi. Les noirs du Morne-Rouge formeront l’arrière-garde, et n’évacueront la savane qu’au soleil levant. »

Il se pencha vers Rigaud, et dit à voix basse :

« Ce sont les noirs de Bug-Jargal ; s’ils pouvaient être écrasés ici ! Muerta la tropa muerto el gefe[1]! Allez, hermanos, reprit-il en se redressant. Candi vous portera le mot d’ordre. »

Les chefs se retirèrent.

« Général, dit Rigaud, il faudrait expédier la dépêche de Jean-François. Nous sommes mal dans nos affaires ; elle pourrait arrêter les blancs. »

Biassou la tira précipitamment de sa poche.

« Vous m’y faites penser ; mais il y a tant de fautes de grammaire, comme ils disent, qu’ils

  1. Morte la bande, mort le chef !