Page:Hugo - L'Art d'être grand-père, 1877.djvu/216

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Sur quoi le chevalier farouche fit un pas,
Brandit sa grande épée, et dit : Prends garde, sire !
On vit le lion, chose effrayante, sourire.
Ne faites pas sourire un lion. Le duel
S’engagea, comme il sied entre géants, cruel,
Tel que ceux qui de l’Inde ensanglantent les jungles.
L’homme allongea son glaive et la bête ses ongles ;
On se prit corps à corps, et le monstre écumant
Se mit à manier l’homme effroyablement ;
L’un était le vaillant et l’autre le vorace ;
Le lion étreignit la chair sous la cuirasse,
Et, fauve, et sous sa griffe ardente pétrissant
Ce fer et cet acier, il fit jaillir le sang
Du sombre écrasement de toute cette armure,
Comme un enfant rougit ses doigts dans une mûre ;
Et puis l’un après l’autre il ôta les morceaux
Du casque et des brassards, et mit à nu les os.
Et le grand chevalier n’était plus qu’une espèce
De boue et de limon sous la cuirasse épaisse ;
Et le lion mangea le héros. Puis il mit
Sa tête sur le roc sinistre et s’endormit.


II. L’ERMITE