Page:Hugo - L'Art d'être grand-père, 1877.djvu/293

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Ô tous ! vivez, marchez, croyez ! soyez tranquilles.
— Mais quoi ! le râle sourd des discordes civiles,
Ces siècles de douleurs, de pleurs, d’adversités,
Hélas ! tous ces souffrants, tous ces déshérités,
Tous ces proscrits, le deuil, la haine universelle,
Tout ce qui dans le fond des âmes s’amoncelle,
Cela ne va-t-il pas éclater tout à coup ?
La colère est partout, la fureur est partout ;
Les cieux sont noirs ; voyez, regardez ; il éclaire ! —
Qu’est-ce que la fureur ? qu’importe la colère ?
La vengeance sera surprise de son fruit ;
Dieu nous transforme ; il a pour tâche en notre nuit
L’auguste avortement de la foudre en aurore.

Dieu prend dans notre cœur la haine et la dévore ;
Il se jette sur nous des profondeurs du jour,
Et nous arrache tout de l’âme, hors l’amour ;
Avec ce bec d’acier, la conscience, il plonge
Jusqu’à notre pensée et jusqu’à notre songe,
Fouille notre poitrine et, quoi que nous fassions,
Jusqu’aux vils intestins qu’on nomme passions ;
Il pille nos instincts mauvais, il nous dépouille
De ce qui nous tourmente et de ce qui nous souille ;
Et, quand il nous a faits pareils au ciel béni,
Bons et purs, il s’envole, et rentre à l’infini ;