Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 3.djvu/208

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C’était la loi des prises de corps silencieuses, et le texte normand est formel : A silentiariis ostio præpositis introducti sunt.

Ce silence glaça Gwynplaine. Jusque-là il s’était cru fort ; il se suffisait ; se suffire, c’est être puissant. Il avait vécu isolé, s’imaginant qu’être isolé, c’est être inexpugnable. Et voilà que tout à coup il se sentait sous la pression de la hideuse force collective. De quelle façon se débattre avec cet anonyme horrible, la loi ? Il défaillait sous l’énigme. Une peur d’une espèce inconnue avait trouvé le défaut de son armure. Et puis il n’avait pas dormi, il n’avait pas mangé ; à peine avait-il trempé ses lèvres dans une tasse de thé. Il avait eu toute la nuit une sorte de délire, et il lui restait de la fièvre. Il avait soif, il avait faim peut-être. L’estomac mécontent dérange tout. Depuis la veille, il était assailli d’incidents. Les émotions qui le tourmentaient le soutenaient ; sans l’ouragan, la voile serait chiffon. Mais cette faiblesse profonde du haillon que le vent gonfle jusqu’à ce