Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 3.djvu/226

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Quand Gwynplaine, parvenu jusque sous le porche, vit de près cette chose misérable qu’il n’avait encore aperçue qu’à distance, et qui était un homme vivant, son effroi devint épouvante.

L’homme lié sur le sol était absolument nu, à cela près de ce haillon hideusement pudique qu’on pourrait nommer la feuille de vigne du supplice, et qui était le succingulum des romains et le christipannus des gothiques, duquel notre vieux jargon gaulois a fait le cripagne. Jésus, nu sur la croix, n’avait que ce lambeau.

L’effrayant patient que considérait Gwynplaine semblait un homme de cinquante à soixante ans. Il était chauve. Des poils blancs de barbe lui hérissaient le menton. Il fermait les yeux et ouvrait la bouche. On voyait toutes ses dents. Sa face maigre et osseuse était voisine de la tête de mort. Ses bras et ses jambes, assujettis par les chaînes aux quatre poteaux de pierre, faisaient un X. Il avait sur la poitrine et le ventre une plaque de fer, et sur cette plaque étaient posées en tas cinq ou six grosses