Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 3.djvu/325

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Après la lettre de la duchesse, Gwynplaine s’était redressé. Il y avait en lui de profondes attaches qui avaient résisté. Mais les bourrasques, après avoir épuisé le vent d’un côté de l’horizon, recommencent de l’autre, et la destinée, comme la nature, a ses acharnements. Le premier coup ébranle, le second déracine.

Hélas ! comment tombent les chênes ?

Ainsi, celui qui, enfant de dix ans, seul sur la falaise de Portland, prêt à livrer bataille, regardait fixement les combattants à qui il allait avoir affaire, la rafale qui emportait le navire où il comptait s’embarquer, le gouffre qui lui dérobait cette planche de salut, le vide béant dont la menace est de reculer, la terre qui lui refusait un abri, le zénith qui lui refusait une étoile, la solitude sans pitié, l’obscurité sans regard, l’océan, le ciel, toutes les violences dans un infini et toutes les énigmes dans l’autre ; celui qui n’avait pas tremblé ni défailli devant l’énormité hostile de l’inconnu ; celui qui, tout petit,