Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/146

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Stuart a eu Rizzio. Trois belles, trois monstres. Je suis plus grande qu’elles, car tu es pire qu’eux. Gwynplaine, nous sommes faits l’un pour l’autre. Le monstre que tu es dehors, je le suis dedans. De là mon amour. Caprice, soit. Qu’est-ce que l’ouragan ? un caprice. Il y a entre nous une affinité sidérale ; l’un et l’autre nous sommes de la nuit, toi par la face, moi par l’intelligence. À ton tour tu me crées. Tu arrives, voilà mon âme dehors. Je ne la connaissais pas. Elle est surprenante. Ton approche fait sortir l’hydre de moi, déesse. Tu me révèles ma vraie nature. Tu me fais faire la découverte de moi-même. Vois comme je te ressemble. Regarde dans moi comme dans un miroir. Ton visage, c’est mon âme. Je ne savais pas être à ce point terrible. Moi aussi je suis donc un monstre ! Ô Gwynplaine, tu me désennuies.

Elle eut un étrange rire d’enfant, s’approcha de son oreille et lui dit tout bas :

— Veux-tu voir une femme folle ? c’est moi.

Son regard entrait dans Gwynplaine. Un re-