Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/349

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douleur, aboutissait à ceci, un éclat de rire ! Et il constatait, comme il l’avait dit aux lords, que ce n’était point là une exception, que c’était le fait normal, ordinaire, universel, le vaste fait souverain tellement amalgamé à la routine de vivre qu’on ne s’en apercevait plus. Le meurt-de-faim rit, le mendiant rit, le forçat rit, la prostituée rit, l’orphelin, pour gagner sa vie, rit, l’esclave rit, le soldat rit, le peuple rit ; la société humaine est faite de telle façon que toutes les perditions, toutes les indigences, toutes les catastrophes, toutes les fièvres, tous les ulcères, toutes les agonies, se résolvent au-dessus du gouffre en une épouvantable grimace de joie. Cette grimace totale, il était cela. Elle était lui. La loi d’en haut, la force inconnue qui gouverne, avait voulu qu’un spectre visible et palpable, un spectre en chair et en os, résumât la monstrueuse parodie que nous appelons le monde ; il était ce spectre.

Destinée incurable.

Il avait crié : Grâce pour les souffrants ! En vain.