Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/389

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Cardan. Je voudrais que ce jour-ci soit passé. Être parti, cela soulage. Nous serons au petit jour à Gravesend et demain soir à Rotterdam. Parbleu, je recommencerai la vie d’autrefois dans la cahute, nous la traînerons, n’est-ce pas, Homo ?

Un léger frappement annonça le consentement du loup.

Ursus continua ;

— Si l’on pouvait sortir d’une douleur comme on sort d’une ville ! Homo, nous pourrions encore être heureux. Hélas ! il y aurait toujours celui qui n’y est plus. Une ombre, cela reste sur ceux qui survivent. Tu sais qui je veux dire, Homo. Nous étions quatre, nous ne sommes plus que trois. La vie n’est qu’une longue perte de tout ce qu’on aime. On laisse derrière soi une traînée de douleurs. Le destin nous ahurit par une prolixité de souffrances insupportables. Après cela on s’étonne que les vieilles gens rabâchent. C’est le désespoir qui fait les ganaches. Mon brave Homo, le vent arrière persiste. On