Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 4.djvu/414

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— Qu’est-ce que j’ai ? dit-elle. J’ai quelque chose. La joie, cela étouffe. Ce n’est rien. C’est bon. En reparaissant, ô mon Gwynplaine, tu m’as donné un coup. Un coup de bonheur. Tout le ciel qui vous entre dans le cœur, c’est un enivrement. Toi absent, je me sentais expirer. La vraie vie qui s’en allait, tu me l’as rendue. J’ai eu en moi comme un déchirement, le déchirement des ténèbres, et j’ai senti monter la vie, une vie ardente, une vie de fièvre et de délices. C’est extraordinaire, cette vie-là, que tu viens de me donner. Elle est si céleste qu’on souffre un peu. C’est comme si l’âme grandissait et avait de la peine à tenir dans notre corps. Cette vie des séraphins, cette plénitude, elle reflue jusqu’à ma tête, et me pénètre. J’ai comme un battement d’ailes dans la poitrine. Je me sens étrange, mais bien heureuse. Gwynplaine, tu m’as ressuscitée.

Elle rougit, puis pâlit, puis rougit encore, et tomba.

— Hélas ! dit Ursus, tu l’as tuée.

Gwynplaine étendit les bras vers Dea. L’an-