Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 1.djvu/185

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Et qui, pour y pouvoir poser l’ange azuré, Fait croître jusqu’aux cieux l’Éden démesuré !

Jours inouïs ! le bien, le beau, le vrai, le juste, Coulaient dans le torrent, frissonnaient dans l’arbuste ; L’aquilon louait Dieu de sagesse vêtu ; L’arbre était bon ; la fleur était une vertu ; C’est trop peu d’être blanc, le lys était candide ; Rien n’avait de souillure et rien n’avait de ride ; Jours purs ! rien ne saignait sous l’ongle et sous la dent ; La bête heureuse était l’innocence rôdant ; Le mal n’avait encor rien mis de son mystère Dans le serpent, dans l’aigle altier, dans la panthère ; Le précipice ouvert dans l’animal sacré N’avait pas d’ombre, étant jusqu’au fond éclairé ; La montagne était jeune et la vague était vierge ; Le globe, hors des mers dont le flot le submerge, Sortait beau, magnifique, aimant, fier, triomphant, Et rien n’était petit quoique tout fût enfant ; La terre avait, parmi ses hymnes d’innocence, Un étourdissement de séve et de croissance ;