Page:Hugo - Légende des siècles, Hachette, 1920, 1e série, volume 2.djvu/78

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Le saint des saints, jamais décru, jamais accru ;
Et le porc murmura : « Grâce ! il m’a secouru. »
Le pourceau misérable et Dieu se regardèrent.

Alors, selon des lois que hâtent ou modèrent
Les volontés de l’Être effrayant qui construit
Dans les ténèbres l’aube et dans le jour la nuit,
On vit, dans le brouillard où rien n’a plus de forme,
Vaguement apparaître une balance énorme ;
Cette balance vint d’elle-même, à travers
Tous les enfers béants, tous les cieux entr’ouverts,
Se placer sous la foule immense des victimes ;
Au-dessus du silence horrible des abîmes,
Sous l’œil du seul vivant, du seul vrai, du seul grand,
Terrible, elle oscillait, et portait, s’éclairant
D’un jour mystérieux plus profond que le nôtre,
Dans un plateau le monde et le pourceau dans l’autre.

Du côté du pourceau la balance pencha.


V

Mourad, le haut calife et l’altier padischah,
En sortant de la rue où les gens de la ville
L’avaient pu voir toucher à cette bête vile,