Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/110

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Quelques rares autels fumaient sur les hauts lieux,
Mais c’étaient les autels des guèbres, que tolère
Rome ayant trop de dieux pour croire avec colère.

Temps fatals ! César roi, tout le reste sujet.
La conquête romaine, immense, submergeait
Les peuples qu’elle avait saisis l’un après l’autre ;
Et cette vague épaisse où le soldat se vautre
Grossissait, et, de proche en proche, envahissait
La terre, où les songeurs disaient : Qu’est-ce que c’est ?
Cette inondation de Rome était lugubre ;
L’empire était partout comme une ombre insalubre ;
Il croissait comme un fleuve épars sous des forêts,
Et changeait lentement l’univers en marais.
Les docteurs méditaient sur ce second déluge.
Ayant leurs livres saints pour cime et pour refuge,
Les prêtres, rattachés aux textes, au-dessus
Des hommes débordés dans un gouffre aperçus,
Laissaient couler sous eux ces vastes avalanches,
Pareils à des serpents enroulés dans des branches.

Un peuple commandait, le monde subissait.
Les jaguars, les lions, les ours pris au lacet,
Le tigre redouté même de sa femelle,
Rugissaient sous les pieds de Rome pêle-mêle
Avec les nations dans le même filet.
L’esclavage, à voix basse et dans la nuit, parlait.
L’unique grandeur d’âme était l’insouciance.