Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/156

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Et des fripiers vendant les haillons de la ville,
Borne au sud cette plaine âpre, déserte et vile.
Des cordes où parfois on se heurte en rêvant,
Où les laveuses font sécher leur linge au vent,
Flottent à des piquets plantés dans les décombres.
Les petits enfant nus de ces masures sombres
Où la famine habite et d’où la peste sort,
Vivent de ramasser dans l’herbe du bois mort
Qu’ils vont vendre en fagots sur les marches du temple.
Le prophète qui fait des gestes et contemple,
Quelque centurion par l’orgie attardé,
Des joueurs agitant la bassette ou le dé,
Hantent seuls ce lieu triste et cette lande aride.
Au-delà des terrains que l’ardent soleil ride,
Et que couvre un gazon brûlé, lépreux et court,
On voit les toits confus des maisons du faubourg
Où les femmes le soir médisent sur leurs portes.

Les mendiants hideux pareils à des cloportes
Rôdent aux alentours, tendant leurs pâles mains.
Au lieu de l’essaim d’or errant dans les jasmins,
L’oiseau de proie, affreux, vole aux carcasses mortes.
Près des maisons, les gueux, les nains aux jambes tortes,
Les goitreux, les boiteux, fourmillent en tous sens ;
Et la difformité honteuse des passants,
Et ce faubourg infirme et malade, et ces bouges,
Importunent au loin l’aigle aux paupières rouges,
Et les vastes vautours africains dont le bec
Semble plein des rayons du désert de Balbeck.