Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/295

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Sommeil, lieu sombre, espace ineffable, où l’on est
Doux comme l’aube et pur comme l’enfant qui naît,
Dormir, ô guérison, détachement, rosée,
Stupeur épanouie, immense ombre apaisée,
Repos sacré, douceur farouche, bercement
Qui trempe dans les cieux les cœurs, noir et charmant,
Oh ! ce bain des remords, ce baume des ulcères,
La paix qui fait lâcher ce qu’on a dans les serres
N’avoir jamais cela ; jamais ! n’avoir jamais
Cet assoupissement sur les vagues sommets,
Ce sommeil, devant qui les âmes sont pareilles,
Qui change l’antre en nid, et permet aux abeilles
De voler dans la gueule ouverte des lions !
Oh ! cette voix qui dit : calmons et délions ;
Ne l’entendre jamais dans mes nuits convulsives ;
La flamme à la prunelle et la bave aux gencives,
Veiller, veiller, veiller, grincer des dents, voilà
Dans quelles profondeurs ma faute me scella ;
Sort hideux ; m’enfermer dans la nuit, et m’exclure
Du sommeil ! me livrer à cette âcre brûlure,
La veille sans repos, le regard toujours noir,
Toujours ouvert ! O nuit sans pitié ; ne pouvoir
Lui prendre un peu de calme, et l’avoir sur moi toute !
Englouti dans l’oubli, n’en pas boire une goutte ;

Toujours être aux aguets ; toujours être en éveil !