Page:Hugo - La Fin de Satan, 1886.djvu/315

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Gisait dans le sang, noire, inexorable, athée ;
« Tu l’en souviens, je l’ai ramassée et jetée
« Près de la Seine, ainsi qu’une graine en un champ ;
« Ton haleine, perçant le globe, et la touchant,
« L’a fait croître et grandir jusqu’au ciel, tour affreuse ;
« Cette tour en cachots innombrables se creuse ;
« Les rois en font leur antre ; elle écrase Paris ;
« Elle éteint sa lumière, elle étouffe ses cris ;
« C’est là que toute chaîne aboutit et commence ;
« Elle est le cadenas de l’esclavage immense ;
« Elle est la glace au front de la France qui bout ;
« Elle est la tombe ; et l’ombre avec elle est debout.
« Elle garde en ses flancs le billot et la roue ;
« Cette tour est la geôle où le vieux dogme écroue
« L’âme et la vie, et met l’esprit humain aux fers ;
« Car Paris bâillonné fait muet l’univers ;
« La prison de la France est le cachot du monde.
« Maintenant, c’est fini, tout râle et rien ne gronde ;
« Ris, Satan. Plus que toi les hommes sont proscrits ;
« La Bastille, implacable et dure, est sur Paris
« Comme l’épée avec la croix, sur les deux Romes.
« Puisque tous deux, moi spectre et toi démon, nous sommes
« Les damnés, sans repos, sans sommeil ; les témoins ;
« Puisque nous ne pouvons dormir, ayons du moins
« La joie âcre du mal dans notre fièvre horrible ;
« A travers ton plafond comme à travers un crible,
« Toi, souffle la fureur aux hommes malheureux,
« Et moi je secouerai le suaire sur eux.
«