Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/166

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C’est la terre sereine assise près du ciel ;
C’est elle qui, gardant pour les pâtres le miel,
Fit connaître l’abeille aux rois par les piqûres ;
C’est elle qui, parmi les nations obscures,
La première alluma sa lampe dans la nuit ;
Le cri de délivrance est fait avec son bruit ;
Le mot Liberté semble une voix naturelle
De ses prés sous l’azur, de ses lacs sous la grêle,
Et tout dans ses monts, l’air, la terre, l’eau, le feu,
Le dit avec l’accent dont le prononce Dieu !
Au-dessus des palais de tous les rois ensemble,
La pauvre vieille Suisse, où le rameau seul tremble,
Tranquille, élèvera toujours sur l’horizon
Les pignons effrayants de sa haute maison.
Rien ne ternit ces pics que la tempête lave,
Volcans de neige ayant la lumière pour lave,
Qui versent sur l’Europe un long ruissellement
De courage, de foi, d’honneur, de dévouement,
Et semblent sur la terre une chaîne d’exemples ;
Toujours ces monts auront des figures de temples.
Qu’est-ce qu’un peu de fange humaine jaillissant
Vers ces sublimités d’où la clarté descend ?
Ces pics sont la ruine énorme des vieux âges
Où les hommes vivaient bons, aimants, simples, sages ;
Débris du chaste éden par la paix habité,
Ils sont beaux ; de l’aurore et de la vérité
Ils sont la colossale et splendide masure ;
Où tombe le flocon que fait l’éclaboussure ?