Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Reste la grande audace et la grande manière
D’attaquer une bête au fond de sa tanière.
Tous ses nuages, blancs ou noirs, sont des drapeaux.
L’exemple, c’est le fait dans sa gloire, au repos,
Qui charge lentement les cœurs et recommence ;
Melchthal, grave et penché sur le monde, ensemence.

Un jour, à Bâle, Albrecht, l’empereur triomphant,
Vit une jeune mère auprès d’un jeune enfant ;
La mère était charmante ; elle semblait encore,
Comme l’enfant, sortie à peine de l’aurore ;
L’empereur écouta de près leurs doux ébats,
Et la mère disait à son enfant tout bas :
« Fils, quand tu seras grand, meurs pour la bonne cause ! »
Oh ! rien ne flétrira cette feuille de rose !
Toujours le despotisme en sentira le pli.
Toujours les mains prêtant le serment du Grutli
Apparaîtront en rêve au peuple en léthargie ;
Toujours les oppresseurs auront, dans leur orgie,
Sur la lividité de leur face l’effroi
Du tocsin qu’Unterwald cache dans son beffroi.
Tant que les nations au joug seront nouées,
Tant que l’aigle à deux becs sera dans les nuées,
Tant que dans le brouillard des montagnes l’éclair
Ébauchera le spectre insolent de Gessler,