Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et l’altière rumeur des camps et des clairons.
Nous irons conquérir le monde, et nous aurons
Des filles et du vin, et tu feras ripaille
Au lieu de coucher seul dans ton trou sur la paille.
Lève ta herse, accepte, et soyons bons amis.
Ouvre-moi, je tiendrai tout ce que j’ai promis.
Sinon, prends garde à toi. J’ai l’habitude d’être
Patient à l’affront comme au feu le salpêtre.
J’aurai bien vite fait d’écraser ton donjon.
Cueillir un burg ainsi qu’on sarcle un sauvageon,
Et coucher une tour tout de son long dans l’herbe,
Ce sont mes jeux. Sais-tu, de ton château superbe
Ce qui restera, dis, lorsque j’aurai passé ?
Une baraque informe au fond d’un noir fossé.
Et de ta haute tour de guerre ? Une masure
Bonne aux moineaux cachant leurs nids dans l’embrasure.
Et du sauvage aspect de tes créneaux altiers ?
Un tas de pierres, plein de houx et d’églantiers,
Où les femmes viendront faire sécher leur linge.
Je suis Cyadmis, duc et marquis de Thuringe.
Ouvre-moi.

Silence dans la tour.
Paraît un étendard portant à la hampe une couronne de roi.
Entre, derrière un groupe de trompettes, un homme à cheval vêtu de drap d’or, ayant une couronne royale sur la tête. Il a un sceptre à la main. À sa suite, marche une compagnie d’arbalétriers bourguignons couronnés de fleurs ; ils ont de grandes arbalètes, des boucliers faits d’une peau de bœuf et hauts comme un homme, et les pieds nus dans des chaussures de corde.