Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/287

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Ils furent orageux, ils furent ténébreux,
C’est tout ; ces sombres lords se dévoraient entr’eux ;
L’homme vient volontiers vers l’homme à coups d’épée
Bruce hait Baliol comme César Pompée ;
Pourquoi ? Nous l’ignorons. Passez, souffles du ciel.
Dieu seul connaît la nuit.

Dieu seul connaît la nuit.Le comte Strathaël,
Roi d’Angus, pair d’Écosse, est presque centenaire ;
Le gypaëte cache un petit dans son aire,
Et ce lord a le fils de son fils près de lui ;
Toute sa race ainsi qu’un blême éclair a lui
Et s’est éteinte ; il est ce qui reste d’un monde ;
Mais Dieu près du front chauve a mis la tête blonde,
L’aïeul a l’orphelin. Jacque a six ans. Le lord
Un soir l’appelle, et dit : — Je sens venir la mort.
Dans dix ans, tu seras chevalier. Fils, écoute.
Et, le prenant à part sous une sombre voûte,
Il parla bas longtemps à l’enfant adoré,
Et quand il eut fini l’enfant lui dit : — J’irai.
Et l’aïeul s’écria : — Pourtant il est sévère
En sortant du berceau de monter au calvaire,
Et seize ans est un âge où, certe, on aurait droit
De repousser du pied le seuil du tombeau froid,
D’ignorer la rancune obscure des familles,
Et de s’en aller rire avec les belles filles !