Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/300

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Tous se sont écartés pour lui livrer passage.
En le risquant ainsi son aïeul fut-il sage ?
Nul ne le sait ; le sort est de mystères plein ;
Mais la panique existe et le triste orphelin
Ne peut plus que s’enfuir devant la destinée.
Ah ! pauvre douce tête au gouffre abandonnée !
Il s’échappe, il s’esquive, il s’enfonce à travers
Les hasards de la fuite obscurément ouverts,
Hagard, à perdre haleine, et sans choisir sa route ;
Une clairière s’offre, il s’arrête, il écoute,
Le voilà seul ; peut-être un dieu l’a-t-il conduit ?
Tout à coup il entend dans les branches du bruit… —

Ainsi dans le sommeil notre âme d’effroi pleine
Parfois s’évade et sent derrière elle l’haleine
De quelque noir cheval de l’ombre et de la nuit ;
On s’aperçoit qu’au fond du rêve on vous poursuit.
Angus tourne la tête, il regarde en arrière ;
Tiphaine monstrueux bondit dans la clairière.
Ô terreur ! et l’enfant, blême, égaré, sans voix,
Court et voudrait se fondre avec l’ombre des bois.
L’un fuit, l’autre poursuit. Acharnement lugubre !
Rien, ni le roc debout, ni l’étang insalubre,
Ni le houx épineux, ni le torrent profond,
Rien n’arrête leur course ; ils vont, ils vont, ils vont !
Ainsi le tourbillon suit la feuille arrachée.
D’abord dans un ravin, tortueuse tranchée,