Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/336

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— La sagesse, c’est moi, dit le phare marin ;
— Je suis la force, dit le colosse d’airain ;
Et l’olympien dit : — Moi, je suis la puissance.
Et le temple d’Éphèse, autel que l’âme encense,
Fronton qu’adore l’art, dit : — Je suis la beauté.
— Et moi, cria Chéops, je suis l’éternité.

Et je vis, à travers le crépuscule humide,
Apparaître la haute et sombre pyramide.

Superposant au fond des espaces béants
Les mille angles confus de ses degrés géants,
Elle se dressait, blême et terrible, étagée
De plus de plis brumeux que l’âpre mer Égée,
Et sur ses flots, jamais par le vent secoués,
Avait au lieu d’esquifs les siècles échoués.
Elle était là, montagne humaine ; et sa stature,
Monstrueuse, donnait du trouble à la nature ;
Son vaste cône d’ombre éclipsait l’horizon ;
Les troupeaux des vapeurs lui laissaient leur toison ;
Le désert sous sa base était comme une table ;
Elle montait aux cieux, escalier redoutable
D’on ne sait quelle entrée étrange de la nuit ;
Son bloc fatal semblait de ténèbres construit ;
Derrière elle, au milieu des palmiers et des sables,