Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/116

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C'est aimer ; l'Océan superbe reste entier
Quel que soit l'ouragan que les gouffres lui jettent,
Et les sérénités éternelles n'admettent
Ni d'affront paternel, ni d'outrage divin.
Eh quoi, ce mot sacré, la source, serait vain !
Ne suis-je pas la branche et n'es-tu pas la tige ?
Je t'aime. Un père mort, c'est, glorieux prodige,
De l'ombre par laquelle on se sent soutenir.
La beauté de l'enfance est de ne pas finir.
Au-dessus de tout homme, et quoi qu'on puisse faire,
Quelqu'un est toujours Dieu, quelqu'un est toujours père.
Nous sommes regardés, dans l'âpre nuit du sort,
Par des yeux qui se sont étoilés dans la mort.
Que n'es-tu là, debout ! Comme tu serais maître,
Seigneur, guide, gardien, juge ! Oh ! je voudrais être
Ton esclave, t'offrir mon cœur, courber mon front,
Et te sentir vivant, fût-ce par un affront !
Les avertissements des pères sont farouches
Mais bons, et, quel que soit l'éclair dont tu me touches,
Tout ce qui vient d'en haut par l'âme est accepté,
Et le coup de tonnerre est un coup de clarté.
Avoir son père, ô joie ! Ô géant d'un autre âge,
Gronde, soufflète-moi, frappe-moi, sois l'outrage,
Sois la foudre, mais sois mon père ! Sois présent
À ma vie, à l'emploi que je fais de ton sang,
À tous mes pas, à tous mes songes ! Que m'importe
De n'être que le chien couché devant ta porte,
Ô mon seigneur, pourvu que je te sente là !