Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/384

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aussi précipitamment qu’elle le pouvait avec ses vieilles mains. Dès qu’on lui parlait de cela, elle se taisait, elle qui parlait si volontiers. Les plus curieuses échouèrent devant son silence et les plus tenaces devant son obstination. C’était aussi là un sujet de commentaires pour tout ce qui était désœuvré ou ennuyé dans le couvent. Que pouvait donc être cette chose si précieuse et si secrète qui était le trésor de la centenaire ? Sans doute quelque saint livre ? quelque chapelet unique ? quelque relique prouvée ? On se perdait en conjectures. À la mort de la pauvre vieille, on courut à l’armoire plus vite peut-être qu’il n’eût convenu, et on l’ouvrit. On trouva l’objet sous un triple linge comme une patène bénite. C’était un plat de Faënza représentant des amours qui s’envolent poursuivis par des garçons apothicaires armés d’énormes seringues. La poursuite abonde en grimaces et en postures comiques. Un des charmants petits amours est déjà tout embroché. Il se débat, agite ses petites ailes et essaye encore de voler, mais le matassin rit d’un air satanique. Moralité : l’amour vaincu par la colique. Ce plat, fort curieux d’ailleurs, et qui a peut-être eu l’honneur de donner une idée à Molière, existait encore en septembre 1845 ; il était à vendre chez un marchand de bric-à-brac du boulevard Beaumarchais.

Cette bonne vieille ne voulait recevoir aucune visite du dehors, à cause, disait-elle, que le parloir est trop triste.