Page:Hugo - Les Misérables Tome IV (1890).djvu/192

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turière qui va pieds nus. On s’en souvient, elle était plutôt alouette que colombe. Elle avait un fond farouche et brave.

Le lendemain, moins tard, à la tombée de la nuit, elle se promenait dans le jardin. Au milieu des pensées confuses qui l’occupaient, elle croyait bien percevoir par instants un bruit pareil au bruit de la veille, comme de quelqu’un qui marcherait dans l’obscurité sous les arbres pas très loin d’elle, mais elle se disait que rien ne ressemble à un pas qui marche dans l’herbe comme le froissement de deux branches qui se déplacent d’elles-mêmes, et elle n’y prenait pas garde. Elle ne voyait rien d’ailleurs.

Elle sortit de « la broussaille » ; il lui restait à traverser une petite pelouse verte pour regagner le perron. La lune qui venait de se lever derrière elle, projeta, comme Cosette sortait du massif, son ombre devant elle sur cette pelouse.

Cosette s’arrêta terrifiée.

À côté de son ombre, la lune découpait distinctement sur le gazon une autre ombre singulièrement effrayante et terrible, une ombre qui avait un chapeau rond.

C’était comme l’ombre d’un homme qui eût été debout sur la lisière du massif à quelques pas en arrière de Cosette.

Elle fut une minute sans pouvoir parler, ni crier, ni appeler, ni bouger, ni tourner la tête.

Enfin elle rassembla tout son courage et se retourna résolument.

Il n’y avait personne.

Elle regarda à terre. L’ombre avait disparu.

Elle rentra dans la broussaille, fureta hardiment dans les coins, alla jusqu’à la grille, et ne trouva rien.