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LES MISÉRABLES. — L’IDYLLE RUE PLUMET.

— Ah çà, vous avez un état ? une fortune faite ? combien gagnez-vous dans votre métier d’avocat ?

— Rien, dit Marius avec une sorte de fermeté et de résolution presque farouche.

— Rien ? vous n’avez pour vivre que les douze cents livres que je vous fais ?

Marius ne répondit point. M. Gillenormand continua :

— Alors, je comprends, c’est que la fille est riche ?

— Comme moi.

— Quoi ! pas de dot ?

— Non.

— Des espérances ?

— Je ne crois pas.

— Toute nue ! et qu’est-ce que c’est que le père ?

— Je ne sais pas.

— Et comment s’appelle-t-elle ?

— Mademoiselle Fauchelevent.

— Fauchequoi ?

— Fauchelevent.

— Pttt ! fit le vieillard.

— Monsieur ! s’écria Marius.

M. Gillenormand l’interrompit du ton d’un homme qui se parle à lui-même.

— C’est cela, vingt et un ans, pas d’état, douze cents livres par an, madame la baronne Pontmercy ira acheter deux sous de persil chez la fruitière.

— Monsieur, reprit Marius, dans l’égarement de la dernière espérance qui s’évanouit, je vous en supplie ! je vous en conjure, au nom du ciel, à mains jointes, mon-