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La Chute.

des fabriques d’horlogerie en grand, des fabriques d’acier, des fabriques de cuivre, au moins vingt usines de fer, dont quatre à Lods, à Châtillon, à Audincourt et à Beure qui sont très considérables…

« Je crois ne pas me tromper et que ce sont bien là les noms que mon frère a cités, puis il s’est interrompu et m’a adressé la parole :

« — Chère sœur, n’avons-nous pas des parents dans ce pays-là ?

« J’ai répondu :

« — Nous en avions, entre autres M. de Lucenet qui était capitaine des portes à Pontarlier dans l’ancien régime.

« — Oui, a repris mon frère, mais en 93 on n’avait plus de parents, on n’avait que ses bras. J’ai travaillé. Ils ont dans le pays de Pontarlier, où vous allez, monsieur Valjean, une industrie toute patriarcale et toute charmante, ma sœur ; ce sont leurs fromageries qu’ils appellent fruitières.

« Alors mon frère, tout en faisant manger cet homme, lui a expliqué très en détail ce que c’étaient que les fruitières de Pontarlier ; — qu’on en distinguait deux sortes : — les grosses granges, qui sont aux riches, et où il y a quarante ou cinquante vaches, lesquelles produisent sept à huit milliers de fromages par été ; les fruitières d’association, qui sont aux pauvres ; ce sont les paysans de la moyenne montagne qui mettent leurs vaches en commun et partagent les produits. — Ils prennent à leurs gages un fromager qu’ils appellent le grurin ; — le grurin reçoit le lait des associés trois fois par jour et marque les