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LES MISÉRABLES. — FANTINE.

— Moi.

— Et quel est le magistrat qui aurait à se plaindre de l’agent ?

— Vous, monsieur le maire.

M. Madeleine se dressa sur son fauteuil. Javert poursuivit, l’air sévère et les yeux toujours baissés :

— Monsieur le maire, je viens vous prier de vouloir bien provoquer près de l’autorité ma destitution.

M. Madeleine stupéfait ouvrit la bouche. Javert l’interrompit.

— Vous direz, j’aurais pu donner ma démission, mais cela ne suffit pas. Donner sa démission, c’est honorable. J’ai failli, je dois être puni. Il faut que je sois chassé.

Et après une pause, il ajouta :

— Monsieur le maire, vous avez été sévère pour moi l’autre jour injustement. Soyez-le aujourd’hui justement.

— Ah çà ! pourquoi ? s’écria M. Madeleine. Quel est ce galimatias ? qu’est-ce que cela veut dire ? où y a-t-il un acte coupable commis contre moi par vous ? qu’est-ce que vous m’avez fait ? quels torts avez-vous envers moi ? Vous vous accusez, vous voulez être remplacé…

— Chassé, dit Javert.

— Chassé, soit. C’est fort bien. Je ne comprends pas.

— Vous allez comprendre, monsieur le maire.

Javert soupira du fond de sa poitrine et reprit toujours froidement et tristement :

— Monsieur le maire, il y a six semaines, à la suite de cette scène pour cette fille, j’étais furieux, je vous ai dénoncé.