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SUPRÊME OMBRE, SUPRÊME AURORE.

fort belle. Le voyage est long et cher. Il me faut un peu d’argent.

— En quoi cela me regarde-t-il ? demanda Marius.

L’inconnu tendit le cou hors de sa cravate, geste propre au vautour, et répliqua avec un redoublement de sourire :

— Est-ce que monsieur le baron n’a pas lu ma lettre ?

Cela était à peu près vrai. Le fait est que le contenu de l’épître avait glissé sur Marius. Il avait vu l’écriture plus qu’il n’avait lu la lettre. Il s’en souvenait à peine. Depuis un moment un nouvel éveil venait de lui être donné. Il avait remarqué ce détail : mon épouse et ma demoiselle. Il attachait sur l’inconnu un œil pénétrant. Un juge d’instruction n’eût pas mieux regardé. Il le guettait presque. Il se borna à lui répondre :

— Précisez.

L’inconnu inséra ses deux mains dans ses deux goussets, releva sa tête sans redresser son épine dorsale, mais en scrutant de son côté Marius avec le regard vert de ses lunettes.

— Soit, monsieur le baron. Je précise. J’ai un secret à vous vendre.

— Un secret ?

— Un secret.

— Qui me concerne ?

— Un peu.

— Quel est ce secret ?

Marius examinait de plus en plus l’homme, tout en l’écoutant.

— Je commence gratis, dit l’inconnu. Vous allez voir que je suis intéressant.