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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

— Ce n’est pas un saint, et ce n’est pas un héros, dit Thénardier. C’est un assassin et un voleur.

Et il ajouta du ton d’un homme qui commence à se sentir quelque autorité : — Calmons-nous.

Voleur, assassin, ces mots que Marius croyait disparus, et qui revenaient, tombèrent sur lui comme une douche de glace.

— Encore ! dit-il.

— Toujours, fit Thénardier. Jean Valjean n’a pas volé Madeleine, mais c’est un voleur. Il n’a pas tué Javert, mais c’est un meurtrier.

— Voulez-vous parler, reprit Marius, de ce misérable vol d’il y a quarante ans, expié, cela résulte de vos journaux mêmes, par toute une vie de repentir, d’abnégation et de vertu ?

— Je dis assassinat et vol, monsieur le baron. Et je répète que je parle de faits actuels. Ce que j’ai à vous révéler est absolument inconnu. C’est de l’inédit. Et peut-être y trouverez-vous la source de la fortune habilement offerte par Jean Valjean à madame la baronne. Je dis habilement, car, par une donation de ce genre, se glisser dans une honorable maison dont on partagera l’aisance, et, du même coup, cacher son crime, jouir de son vol, enfouir son nom, et se créer une famille, ce ne serait pas très maladroit.

— Je pourrais vous interrompre ici, observa Marius, mais continuez.

— Monsieur le baron, je vais vous dire tout, laissant la récompense à votre générosité. Ce secret vaut de l’or massif. Vous me direz : Pourquoi ne t’es-tu pas adressé à Jean Valjean ?