Page:Hugo - Les Misérables Tome V (1890).djvu/512

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
502
LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

— Voilà le grand martyr.

Puis sa poitrine s’affaissa, sa tête eut une vacillation, comme si l’ivresse de la tombe le prenait, et ses deux mains, posées sur ses genoux, se mirent à creuser de l’ongle l’étoffe de son pantalon.

Cosette lui soutenait les épaules, et sanglotait, et tâchait de lui parler sans pouvoir y parvenir. On distinguait, parmi les mots mêlés à cette salive lugubre qui accompagne les larmes, des paroles comme celles-ci : — Père ! ne nous quittez pas. Est-il possible que nous ne vous retrouvions que pour vous perdre ?

On pourrait dire que l’agonie serpente. Elle va, vient, s’avance vers le sépulcre, et se retourne vers la vie. Il y a du tâtonnement dans l’action de mourir.

Jean Valjean, après cette demi-syncope, se raffermit, secoua son front comme pour en faire tomber les ténèbres, et redevint presque pleinement lucide. Il prit un pan de la manche de Cosette et le baisa.

— Il revient ! docteur, il revient ! cria Marius.

— Vous êtes bons tous les deux, dit Jean Valjean. Je vais vous dire ce qui m’a fait de la peine. Ce qui m’a fait de la peine, monsieur Pontmercy, c’est que vous n’ayez pas voulu toucher à l’argent. Cet argent-là est bien à votre femme. Je vais vous expliquer, mes enfants, c’est même pour cela que je suis content de vous voir. Le jais noir vient d’Angleterre, le jais blanc vient de Norvège. Tout ceci est dans le papier que voilà, que vous lirez. Pour les bracelets, j’ai inventé de remplacer les coulants en tôle soudée par des coulants en tôle rapprochée. C’est plus joli, meilleur,