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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

La mer, geôlière, le surveillait.

Du reste, disons-le, si ingrate et si mauvaise que fût la pluie, il en avait tiré parti. Il avait un peu refait sa provision d’eau douce ; mais sa soif était inextinguible, et il vidait son bidon presque aussi rapidement qu’il l’emplissait.

Un jour, le dernier jour d’avril, je crois, ou le premier de mai, tout se trouva prêt.

Le parquet de la machine était comme encadré entre les huit câbles des palans, quatre d’un côté, quatre de l’autre. Les seize ouvertures par où passaient ces câbles étaient reliées sur le pont et sous la carène par des traits de scie. Le vaigrage avait été coupé avec la scie, la charpente avec la hache, la ferrure avec la lime, le doublage avec le ciseau. La partie de la quille à laquelle se superposait la machine était coupée carrément et prête à glisser avec la machine en la soutenant. Tout ce branle effrayant ne tenait plus qu’à une chaîne qui, elle-même, ne tenait plus qu’à un coup de lime. À ce point d’achèvement et si près de la fin, la hâte est prudence.

La marée était basse, c’était le bon moment.

Gilliatt était parvenu à démonter l’arbre des roues dont les extrémités pouvaient faire obstacle et arrêter le dérapement. Il avait réussi à amarrer verticalement cette lourde pièce dans la cage même de la machine.

Il était temps de finir. Gilliatt, nous venons de le dire, n’était point fatigué, ne voulant pas l’être, mais ses outils l’étaient. La forge devenait peu à peu impossible. La pierre enclume s’était fendue. La soufflante commençait à mal travailler. La petite chute hydraulique étant d’eau marine, des