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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

Gilliatt de la catastrophe avait tiré le salut. La nuée, en somme, l’avait aidé.

Cette chose faite, il prit d’une flaque de pluie un peu d’eau dans le creux de sa main, but, et dit à la nuée : Cruche !

C’est une joie ironique pour l’intelligence combattante de constater la vaste stupidité des forces furieuses aboutissant à des services rendus, et Gilliatt sentait cet immémorial besoin d’insulter son ennemi, qui remonte aux héros d’Homère.

Gilliatt descendit dans la panse et profita des éclairs pour l’examiner. Il était temps que le secours arrivât à la pauvre barque, elle avait été fort secouée dans l’heure précédente et elle commençait à s’arquer. Gilliatt, dans ce coup d’œil sommaire, ne constata aucune avarie. Pourtant il était certain qu’elle avait enduré des chocs violents. Une fois l’eau calmée, la coque s’était redressée d’elle-même ; les ancres s’étaient bien comportées ; quant à la machine, ses quatre chaînes l’avaient admirablement maintenue.

Comme Gilliatt achevait cette revue, une blancheur passa près de lui et s’enfonça dans l’ombre. C’était une mouette.

Pas d’apparition meilleure dans les tourmentes. Quand les oiseaux arrivent, c’est que l’orage se retire.

Autre signe excellent, le tonnerre redoublait.

Les suprêmes violences de la tempête la désorganisent. Tous les marins le savent, la dernière épreuve est rude, mais courte. L’excès de foudre annonce la fin.

La pluie s’arrêta subitement. Puis il n’y eut plus qu’un roulement bourru dans la nuée. L’orage cessa comme une