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NUIT ET LUNE

La voix continua :

— Hélas ! J’attends.

— Qu’attendez-vous ?

— Votre réponse.

— Dieu l’a entendue, dit Déruchette.

Alors la voix devint presque sonore, et en même temps plus douce que jamais. Ces paroles sortirent du massif, comme d’un buisson ardent :

— Tu es ma fiancée. Lève-toi, et viens. Que le bleu profond où sont les astres assiste à cette acceptation de mon âme par ton âme, et que notre premier baiser se mêle au firmament !

Déruchette se leva, et demeura un instant immobile, le regard fixé devant elle, sans doute sur un autre regard. Puis, à pas lents, la tête droite, les bras pendants et les doigts des mains écartés comme lorsqu’on marche sur un support inconnu, elle se dirigea vers le massif et y disparut.

Un moment après, au lieu d’une ombre sur le sable il y en avait deux, elles se confondaient, et Gilliatt voyait à ses pieds l’embrassement de ces deux ombres.

Le temps coule de nous comme d’un sablier, et nous n’avons pas le sentiment de cette fuite, surtout dans de certains instants suprêmes. Ce couple d’un côté, qui ignorait ce témoin et ne le voyait pas, de l’autre ce témoin qui ne voyait pas ce couple, mais qui le savait là, combien de minutes demeurèrent-ils ainsi, dans cette suspension mystérieuse ? Il serait impossible de le dire. Tout à coup, un bruit lointain éclata, une voix cria : Au secours ! et la cloche du