Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome II (1892).djvu/294

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
284
LES TRAVAILLEURS DE LA MER

Puis il posa le médium de sa main droite entre ses deux sourcils, l’ongle appuyé sur la naissance du nez, ce qui indique le passage d’un projet dans le cerveau, et il reprit :

— C’est égal, pour tout recommencer sur une grande échelle, un peu d’argent comptant eût bien fait mon affaire. Ah ! Si j’avais mes trois bank-notes, les soixante-quinze mille francs que ce brigand de Rantaine m’a rendus et que ce brigand de Clubin m’a volés !

Gilliatt, en silence, chercha dans sa poche quelque chose qu’il posa devant lui. C’était la ceinture de cuir qu’il avait rapportée. Il ouvrit et étala sur la table cette ceinture dans l’intérieur de laquelle la lune laissait déchiffrer le mot Clubin ; il tira du gousset de la ceinture une boîte, et de la boîte trois morceaux de papier pliés qu’il déplia et qu’il tendit à mess Lethierry.

Mess Lethierry examina les trois morceaux de papier. Il faisait assez clair pour que le chiffre 1000 et le mot thousand y fussent parfaitement visibles. Mess Lethierry prit les trois billets, les posa sur la table l’un à côté de l’autre, les regarda, regarda Gilliatt, resta un moment interdit, puis ce fut comme une éruption après une explosion.

— Ça aussi ! Tu es prodigieux. Mes bank-notes ! Tous les trois ! Mille chaque ! Mes soixante-quinze mille francs ! Tu es donc allé jusqu’en enfer. C’est la ceinture à Clubin. Pardieu ! Je lis dedans son ordure de nom. Gilliatt rapporte la machine, plus l’argent ! Voilà de quoi mettre dans les journaux. J’achèterai du bois première qualité. Je devine, tu auras retrouvé la carcasse. Clubin pourri dans quelque coin. Nous prendrons le sapin à Dantzick et le chêne à