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L’ÉCUEIL

pointure qu’il put recueillir, il fit des ballots des menues épaves, liant les débris en faisceaux et les toiles en paquets. Il aiguilleta soigneusement le tout. À mesure que la marée en montant venait renflouer ces ballots, il les traînait à travers les récifs jusqu’à son magasin. Il avait trouvé dans un creux de roche une guinderesse au moyen de laquelle il pouvait haler même les grosses pièces de charpente. Il tira de la mer de la même façon les nombreux tronçons de chaînes, épars dans les brisants.

Gilliatt était tenace et étonnant dans ce labeur. Il faisait tout ce qu’il voulait. Rien ne résiste à un acharnement de fourmi.

À la fin de la semaine, Gilliatt avait dans ce hangar de granit tout l’informe bric-à-brac de la tempête mis en ordre. Il y avait le coin des écouets et le coin des écoutes ; les boulines n’étaient point mêlées avec les drisses ; les bigots étaient rangés selon la quantité de trous qu’ils avaient ; les emboudinures, soigneusement détachées des organeaux des ancres brisées, étaient roulées en écheveaux ; les moques, qui n’ont point de rouet, étaient séparées des moufles ; les cabillots, les margouillets, les pataras, les gabarons, les joutereaux, les calebas, les galoches, les pantoires, les oreilles d’âne, les racages, les bosses, les boutehors, occupaient, pourvu qu’ils ne fussent pas complètement défigurés par l’avarie, des compartiments différents ; toute la charpente, traversins, piliers, épontilles, chouquets, mantelets, jumelles, hiloires, était entassée à part ; chaque fois que cela avait été possible, les planches des fragments de franc-bord embouffeté avaient été rentrées les unes dans les autres ;