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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

Un oiseau qui a la forme d’une fille, quoi de plus exquis ! Figurez-vous que vous l’avez chez vous. Ce sera Déruchette. Le délicieux être ! On serait tenté de lui dire : Bonjour, mademoiselle la bergeronnette. On ne voit pas les ailes, mais on entend le gazouillement. Par instants, elle chante. Par le babil, c’est au-dessous de l’homme ; par le chant, c’est au-dessus. Il y a le mystère dans ce chant ; une vierge est une enveloppe d’ange. Quand la femme se fait, l’ange s’en va ; mais plus tard, il revient, apportant une petite âme à la mère. En attendant la vie, celle qui sera mère un jour est très longtemps un enfant, la petite fille persiste dans la jeune fille, et c’est une fauvette. On pense en la voyant : qu’elle est aimable de ne pas s’envoler ! Le doux être familier prend ses aises dans la maison, de branche en branche, c’est-à-dire de chambre en chambre, entre, sort, s’approche, s’éloigne, lisse ses plumes ou peigne ses cheveux, fait toutes sortes de petits bruits délicats, murmure on ne sait quoi d’ineffable à vos oreilles. Il questionne, on lui répond ; on l’interroge, il gazouille. On jase avec lui. Jaser, cela délasse de parler. Cet être a du ciel en lui. C’est une pensée bleue mêlée à votre pensée noire. Vous lui savez gré d’être si léger, si fuyant, si échappant, si peu saisissable, et d’avoir la bonté de ne pas être invisible, lui qui pourrait, ce semble, être impalpable. Ici-bas, le joli, c’est le nécessaire. Il y a sur la terre peu de fonctions plus importantes que celle-ci : être charmant. La forêt serait au désespoir sans le colibri. Dégager de la joie, rayonner du bonheur, avoir parmi les choses sombres une exsudation de lumière, être la dorure du destin, être l’harmonie, être la grâce, être la gentillesse, c’est vous