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LE TIMONIER IVRE ET LE CAPITAINE SOBRE

intelligent, que s’engage ce combat qu’on appelle la navigation.

Une volonté dans un mécanisme fait contre-poids à l’infini. L’infini, lui aussi, contient un mécanisme. Les éléments savent ce qu’ils font et où ils vont. Aucune force n’est aveugle. L’homme doit épier les forces, et tâcher de découvrir leur itinéraire.

En attendant que la loi soit trouvée, la lutte continue, et dans cette lutte la navigation à la vapeur est une sorte de victoire perpétuelle que le génie humain remporte à toute heure du jour sur tous les points de la mer. La navigation à la vapeur a cela d’admirable qu’elle discipline le navire. Elle diminue l’obéissance au vent et augmente l’obéissance à l’homme.

Jamais la Durande n’avait mieux travaillé en mer que ce jour-là. Elle se comportait merveilleusement.

Vers onze heures, par une fraîche brise de nord-nord-ouest, la Durande se trouvait au large des Minquiers, donnant peu de vapeur, naviguant à l’ouest, tribord amures et au plus près du vent. Le temps était toujours clair et beau. Cependant les chalutiers rentraient.

Peu à peu, comme si chacun songeait à regagner le port, la mer se nettoyait de navires.

On ne pouvait dire que la Durande tînt tout à fait sa route accoutumée. L’équipage n’avait aucune préoccupation, la confiance dans le capitaine était absolue ; toutefois, peut-être par la faute du timonier, il y avait quelque déviation. La Durande paraissait plutôt aller vers Jersey que vers Guernesey. Un peu après onze heures, le capitaine rectifia