Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/378

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
372
LES TRAVAILLEURS DE LA MER

Il se vengeait de tous ceux devant lesquels il s’était contraint. Il prenait sa revanche. Quiconque avait pensé du bien de lui était son ennemi. Il avait été le captif de cet homme-là.

Clubin était en liberté. Sa sortie était faite. Il était hors des hommes. Ce qu’on prendrait pour sa mort était sa vie ; il allait commencer. Le vrai Clubin dépouillait le faux. D’un coup il avait tout dissous. Il avait poussé du pied Rantaine dans l’espace, Lethierry dans la ruine, la justice humaine dans la nuit, l’opinion dans l’erreur, l’humanité entière hors de lui, Clubin. Il venait d’éliminer le monde.

Quant à Dieu, ce mot de quatre lettres l’occupait peu.

Il avait passé pour religieux. Eh bien, après ?

Il y a des cavernes dans l’hypocrite, ou, pour mieux dire, l’hypocrite entier est une caverne.

Quand Clubin se trouva seul, son antre s’ouvrit. Il eut un instant de délices ; il aéra son âme.

Il respira son crime à pleine poitrine.

Le fond du mal devint visible sur ce visage. Clubin s’épanouit. En ce moment, le regard de Rantaine à côté du sien eût semblé le regard d’un enfant nouveau-né.

L’arrachement du masque, quelle délivrance ! Sa conscience jouit de se voir hideusement nue et de prendre librement un bain ignoble dans le mal. La contrainte d’un long respect humain finit par inspirer un goût forcené pour l’impudeur. On en arrive à une certaine lasciveté dans la scélératesse. Il existe, dans ces effrayantes profondeurs morales si peu sondées, on ne sait quel étalage atroce et agréable qui est l’obscénité du crime. La fadeur de la fausse