Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/121

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ces épopées. Ces livres n’ont pas été composés par l’homme seul, c’est l’inscription d’Ash-Nagar qui le dit. Des djinns s’y sont abattus, des mages polyptères ont songé dessus, les textes ont été interlignés par des mains invisibles, les demi-dieux y ont été aidés par les demi-démons ; l’éléphant, que l’Inde appelle le Sage, a été consulté. De là une majesté presque horrible. Les grandes énigmes sont dans ces poëmes. Ils sont pleins de l’Asie obscure. Leurs proéminences ont la ligne divine et hideuse du chaos. Ils font masse à l’horizon comme l’Himalaya. Le lointain des mœurs, des croyances, des idées, des actions, des personnages, est extraordinaire. On lit ces poëmes avec le penchement de tête étonné que donnent les profondes distances entre le livre et le lecteur. Cette Ecriture sainte de l’Asie a été évidemment plus malaisée encore à réduire et à coordonner que la nôtre. Elle est de toutes parts réfractaire à l’unité. Les brahmes ont eu beau, comme nos prêtres, raturer et intercaler, Zoroastre y est, l’Ized Serosch y est, l’Eschem des traditions mazdéennes y transparaît sous le nom de Siva, le manichéisme y est distinct entre Brahma et Bouddha. Toutes sortes de traces s’amalgament et s’entr’effacent sur ces poëmes. On y voit le piétinement mystérieux d’un peuple d’esprits qui y a travaillé dans la nuit des siècles.