Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/269

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Ses horreurs souveraines règnent et s’imposent. Il y mêle, quand bon lui semble, le charme, ce charme auguste des forts, aussi supérieur à la douceur faible, à l’attrait grêle, au charme d’Ovide ou de Tibulle, que la Vénus de Milo à la Vénus de Médicis. Les choses de l’inconnu, les problèmes métaphysiques reculant devant la sonde, les énigmes de l’âme et de la nature, qui est aussi une âme ; les intuitions lointaines de l’éventuel inclus dans la destinée, les amalgames de la pensée et de l’événement, peuvent se traduire en figurations délicates, et remplir la poésie de types mystérieux et exquis, d’autant plus ravissants qu’ils sont un peu douloureux, à demi adhérents à l’invisible, et en même temps très-réels, préoccupés de l’ombre qui est derrière eux, et tâchant de vous plaire cependant. La grâce profonde existe.

Le joli grand est possible ; il est dans Homère, Astyanax en est un type, mais la grâce profonde dont nous parlons est quelque chose de plus que cette délicatesse épique. Elle se complique d’un certain trouble et sous-entend l’infini. C’est une sorte de rayonnement clair-obscur. Les génies modernes seuls ont cette profondeur dans le sourire qui, en même temps qu’une élégance, fait voir un abîme.

Shakespeare possède cette grâce, qui est tout