Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/376

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habitudes de ce grand art profond et cherché du seizième siècle. Rien de plus curieux en ce genre que le parti qu’on tirait de saint Christophe. Au moyen âge et au seizième siècle, dans les peintures et les sculptures, saint Christophe, le bon géant martyrisé par Dèce en 250, enregistré par les bollandistes et imperturbablement admis par Baillet, est toujours triple. Occasion de triptyque. Il y a d’abord un premier Porte-Christ, un premier Christophore, c’est Christophe, avec l’enfant Jésus sur ses épaules. Ensuite, la vierge grosse est un Christophe, puisqu’elle porte le Christ ; enfin, la croix est un Christophe ; elle aussi porte le Christ. Le supplice répercute la mère. Ce triplement de l’idée est immortalisé par Rubens dans la cathédrale d’Anvers. Idée doublée, idée triplée, c’était le cachet du seizième siècle.

Shakespeare, fidèle à l’esprit de son temps, devait ajouter Laërtes vengeant son père à Hamlet vengeant son père, et faire poursuivre Hamlet par Laërtes en même temps que Claudius par Hamlet ; il devait faire commenter la piété filiale de Cordelia par la piété filiale d’Edgar, et, sous le poids de l’ingratitude des enfants dénaturés, mettre en regard deux pères misérables, ayant perdu chacun une des deux espèces de la lumière, Lear fou et Glocester aveugle.