Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/82

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Claudias et Barsalium, peut-être même Tadamora, la ville de Salomon ; telles étaient les étapes de ce pèlerinage, presque fabuleux, des penseurs. Ce pèlerinage, Lucrèce l’a-t-il fait ? On ne peut le dire. Ses nombreux voyages sont hors de doute. Il a vu tant d’hommes qu’ils ont fini par se confondre tous dans sa prunelle et que cette multitude est devenue pour lui fantôme. Il est arrivé à cet excès de simplification de l’univers qui en est presque l’évanouissement. Il a sondé jusqu’à sentir flotter la sonde. Il a questionné les vagues spectres de Byblos ; il a causé avec le tronc d’arbre coupé de Chytéron, qui est Junon-Thespia. Peut-être a-t-il parlé dans les roseaux à Oannès, l’homme-poisson de la Chaldée, qui avait deux têtes, en haut une tête d’homme, en bas une tête d’hydre, et qui, buvant le chaos par sa gueule inférieure, le revomissait sur la terre par sa bouche supérieure, en science terrible. Lucrèce a cette science. Isaïe confine aux archanges, Lucrèce aux larves. Lucrèce tord le vieux voile d’Isis trempé dans l’eau des ténèbres, et il en exprime, tantôt à flots, tantôt goutte à goutte, une poésie sombre. L’illimité est dans Lucrèce. Par moments passe un puissant vers spondaïque presque monstrueux et plein d’ombre : Circum sefoliis acfrondibus involventes. Çà et là une vaste image de