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Avoir été l’épée, avoir été la loi !
Géant, pour piédestal avoir eu l’Allemagne !
Quoi ! pour titre césar et pour nom Charlemagne !
Avoir été plus grand qu’Annibal, qu’Attila,
Aussi grand que le monde !… et que tout tienne là !
Ah ! briguez donc l’empire, et voyez la poussière
Que fait un empereur ! Couvrez la terre entière
De bruit et de tumulte ; élevez, bâtissez
Votre empire, et jamais ne dites : C’est assez !
Taillez à larges pans un édifice immense !
Savez-vous ce qu’un jour il en reste ? ô démence !
Cette pierre ! Et du titre et du nom triomphants ?
Quelques lettres à faire épeler des enfants !
Si haut que soit le but où votre orgueil aspire,
Voilà le dernier terme !… — Oh ! l’empire ! l’empire !
Que m’importe ? j’y touche, et le trouve à mon gré.
Quelque chose me dit : Tu l’auras ! — Je l’aurai. —
Si je l’avais !… — Ô ciel ! être ce qui commence !
Seul, debout, au plus haut de la spirale immense !
D’une foule d’états l’un sur l’autre étagés
Être la clef de voûte, et voir sous soi rangés
Les rois, et sur leur tête essuyer ses sandales ;
Voir au-dessous des rois les maisons féodales,
Margraves, cardinaux, doges, ducs à fleurons ;
Puis, évêques, abbés, chefs de clans, hauts barons ;
Puis, clercs et soldats ; puis, loin du faîte où nous sommes,
Dans l’ombre, tout au fond de l’abîme, — les hommes.
— Les hommes ! c’est-à-dire une foule, une mer,
Un grand bruit, pleurs et cris, parfois un rire amer,
Plainte qui, réveillant la terre qui s’effare,
À travers tant d’écho nous arrive fanfare !
Les hommes ! — Des cités, des tours, un vaste essaim,
De hauts clochers d’église à sonner le tocsin ! —

Rêvant.
Base de nations portant sur leurs épaules