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Scène V


HERNANI, DOÑA SOL, DON RUY GOMEZ.
Don Ruy Gomez, immobile et croisant les bras sur le seuil de la porte.

Voilà donc le paîment de l’hospitalité !

Doña Sol.

Dieu ! le duc !
Dieu ! le duc !Tous deux se détournent comme réveillés en sursaut.

Don Ruy Gomez, toujours immobile.

Dieu ! le duc !C’est donc là mon salaire, mon hôte ?
— Bon seigneur, va-t’en voir si ta muraille est haute,
Si la porte est bien close et l’archer dans sa tour,
De ton château pour nous fais et refais le tour,
Cherche en ton arsenal une armure à ta taille,
Ressaie à soixante ans ton harnais de bataille !
Voici la loyauté dont nous paîrons ta foi !
Tu fais cela pour nous, et nous ceci pour toi !
Saints du ciel ! j’ai vécu plus de soixante années,
J’ai vu bien des bandits aux âmes effrénées,
J’ai souvent, en tirant ma dague du fourreau
Fait lever sur mes pas des gibiers de bourreau,
J’ai vu des assassins, des monnayeurs, des traîtres,
De faux valets à table empoisonnant leurs maîtres,
J’en ai vu qui mouraient sans croix et sans pater,
J’ai vu Sforce, j’ai vu Borgia, je vois Luther,
Mais je n’ai jamais vu perversité si haute
Qui n’eût craint le tonnerre en trahissant son hôte !