Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/21

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A force de regarder, j’ai trouvé quelques caractères gravés sur le haut du bas-relief au poing coupé ; et, en dérangeant les grappes et les feuilles, j’ai déchiffré le mot Burg-Freyheit.

Le même jour, c’était vers le soir, j’avais quitté à midi la ville par le chemin dit des philosophes, lequel chemin s’en va je ne sais où, comme il sied à un chemin de philosophes, et j’étais dans un vallon quelconque. Je me mis à gravir l’escarpement d’une haute colline par un de ces sentiers antiques qu’on trouve souvent dans ce pays, sentiers escaliers, pavés de grosses roches brutes, qui ont l’air d’un mur cyclopéen posé à plat sur le sol, attribués d’ailleurs par les ignorants aux géants, et par les savants aux romains, c’est-à-dire toujours aux géants.

Le jour s’éteignait derrière moi dans la plaine du Rhin.

C’était un de ces sinistres soleils couchants où le soleil semble s’abîmer pour jamais dans l’ombre, écrasé sous des nuages de granit, informe et nageant dans une immense mare de sang.

Je montais lentement à cette lueur.

Peu à peu, elle blêmit, puis s’effaça. Quand je fus à mi-côte je me retournai.

Je n’avais plus sous les yeux qu’un de ces grands paysages crépusculaires où les montagnes se traînent sur l’horizon comme d’énormes colimaçons dont les rivières et les fleuves, pâles et vagues sous la brume, semblent être la trace argentée.

Le mont devenait très âpre, l’escalier des rochers s’allongeait indéfiniment ; mais les bruyères et les jeunes châtaigniers nains s’agitaient autour de moi avec ce murmure amical et hospitalier qui invite le voyageur à continuer.

Je repris donc mon ascension.

Comme j’atteignais le sommet d’un des bas côtés du mont, la lune, la pleine lune, ronde et éclatante, qui se lève de cuivre dans les plaines et d’or dans les montagnes, apparut tout à coup devant moi ; et, gravissant elle-même le long de la colline voisine, se mit à glisser à fleur de terre dans les broussailles noires, comme un disque splendide poussé par des génies invisibles. Toute cette chaîne de sommets et de vallées, vue à cette clarté, des marches